La beauté idyllique des lieux cache pourtant une triste réalité : Cabrera, « l’île des chèvres », fût le théâtre d’une tragédie historique méconnue, le témoin de l’un des plus poignants évènements de l’époque napoléonienne.
Suite à la défaite des troupes françaises à Baylen (Espagne) en juillet 1808, plus de 11 000 soldats impériaux furent déportés, en plusieurs convois, sur cet îlot pelé et déserté. Déposés à Cabrera et abandonnés de tous, ces prisonniers moribonds – soldats napoléoniens français, belges, suisses, polonais ou encore italiens – périrent rapidement par milliers sur cette « île-prison » infertile et inhospitalière.
C’est à Marseille que le monde découvrit subitement cette histoire honteuse pour la première fois quand les rares survivants débarquèrent dans le port dans un état déplorable au mois de mai 1814. La population locale découvre alors des gens maigres comme des squelettes, nus ou à moitié couverts de lambeaux pourris, sans aucun reste de chemise, ni bas, ni souliers, mourant de faim et racontant des choses inouïes sur cette longue et atroce captivité.
C’est l’histoire de ces milliers de grognards, délaissés durant cinq longues années sur cet îlot minuscule que nous souhaitons raconter ici. Des hommes (et quelques femmes) oubliés des autorités espagnoles qui les laissèrent croupir dans des conditions abominables, oubliés aussi par la France qui n’avait que faire de ces soldats défaits et donc déshonorés, oubliés enfin par la postérité, qui se désintéressa trop longtemps de cette histoire sordide et honteuse.